Nous reprenons ici un article sur l’orthographe du breton que nous avons publié il y a quelques semaines sur Barr-Avel et que vous pourrez retrouver ici : https://barr-avel.blog/2022/03/08/la-langue-bretonne-cousine-cachee-du-gallois/
En fin d’article nous avions commencé à nous pencher sur le système orthographique développé par Albert Boché dans les années 70 nommé l’“interdialectique”, et qui a été développé ensuite par Albert Deshayes au regard des dernières avancées sur la linguistique celtique.
Cette nouvelle orthographe se veut avant tout respectueuse de l’étymologie des mots, qu’ils soient brittoniques (le gallois et le cornique) ou romans (le français moderne ou plus ancien). Elle favorise l’identification de l’origine des mots et permettrait même une meilleur lecture du breton par nos cousins d’outre manche tout autant qu’une compréhension plus intuitive du gallois et du cornique par les brittophones.
Nous poserons ici seulement quelques exemples de ce que l’interdialectique propose comme réformes linguistiques. Partager un rapport complet de cette nouvelle orthographe serait trop long. Si vous souhaitez creuser plus loin n’hésitez pas à vous procurer les livres de Deshayes: Dictionnaire étymologie de la langue bretonne, et Histoire de la langue bretonne.

L’omniprésence du “z” breton : Le symbolique “zh”
Toute personne connaissant un peu l’écriture bretonne est frappé par la fréquence à laquelle on retrouve la lettre “z” dans les textes. Dont le fameux “zh” (“Breizh”, “brezhoneg”, “Roazhon”, “Krampouezh”…) qui a été inventé dans la précipitation pour forcer l’unification des dialectes dont les prononciations différaient.
Cela est dû à son utilisation comme lettre “fourre-tout” par les lexicographes du XVIIIème siècle, en posant par écrit une panoplie de mots celtiques dont ils ne connaissaient pas les étymologies, ni le sens profond. Phonétiquement influencé par le français, les sons “th” ([θ]) ou “dh” ([ð]), tel que l’on pouvait encore entendre à l’époque, leur apparaissaient seulement comme des variantes d’un “z” français. En résulte un nouvel appauvrissement de la graphie bretonne (qui avait déjà beaucoup souffert depuis le XIIème siècle avec l’abandon de la langue par les nobles et le haut clergé).
En réhabilitant le “th” et le “dh” dans la graphie, qui sont de coutume dans toutes les autres langue celtiques (aucune n’utilise la lettre “z”) nous verrions 70% de “z” en moins dans les textes breton.
Ici quelques exemples pour concrétiser tout ça:
Les mots issu d’une prononciation en “d”, “dh”
Barzh → Bardh (on reconnait ici partiellement le mot racine qui est “bardos” qui donne le “barde” que l’on connait bien en français)
Menez → Menedh, la montagne (en gallois mynydh)
Skoaz → Scoadh, l’épaule (descendant du celtique sceid-)
Lazh → Ladh, le meurtre (descendant du celtique slad-)
Roazhon → Roadhon, Rennes (noms issu de la tribu celtique des Reidones)
Les mots issu d’une prononciation en “t”, “th”
Brezhon → Brethon, Breton (nom descendant du vieux-brittonique priteni)
Nerzh → Nerth, la force (issu du gaulois nerto-, puissance)
Morzhed → Morthad, la cuisse (du vieux-brittonique morduid, de même sens)
Yezh → Ieth, la langue (parlée) ( du vieux-brittonique iekti, de même sens)
Le z intervocalique
La lettre “z” est aussi apparue en remplacement d’un “s” entre deux voyelles. Il s’agit d’une influence de la prononciation à la française. En français le “s” intervocalique se prononce toujours “z” (“liaison”, “maison”, “oiseau”, “asile” etc…). Ca a amené les bretons d’Armorique à progressivement prononcer ce “s” en “z” dans leur propre vocabulaire. Cette mutation a concerné d’abord les consonnes entre deux voyelles, pour finalement se produire sur un large éventail de mots.
Au fur et à mesure, les dernières réformes du bretons ont évacué ce “s” au profit du “z” dans l’écriture. La phonétique a pris le dessus sur l’étymologie encore une fois.
Par exemple:
Amzer → Amser, le temps qui passe (issu du gaulois amb-mensera)
Biz → Bis, le doigt (issu du gaulois bissi)
Ezel → Esel (issu du gaulois assili)
Izel → Isel (issu du gaulois isselo)
La liste serait longue.
Les diphtongues
L’interdialectique s’efforce aussi de clarifier la prononciation des diphtongues et en particulier celles contenant le son [w] qui parfois s’écrivent à l’aide de “-o-”, “-ou-” ou “-v-”. À ce sujet les choses sont claires puisque l’utilisation de la lettre “w” d’une part décrit bien le son en question, et entre en cohérence avec la langue galloise et le cornique qui l’utilisent très fréquemment. Le “w” remplacera donc un bon nombre de voyelles diphtongues, comme les exemples qui suivent:
Goar → Gwar (lenteur)
Keoded → Cewded (cité)
Aotrou → Awtrow (seigneur)
Nadoz → Nadwedh (aiguille)
Evezh → Eweth (Attention)
Le n tildé
Il y a aussi le cas du “ñ” qui apparait au XVIIIème siècle pour signifier une nasalisation, des sons que l’on retrouve dans le français “an”, “on”, “ain” dans “banc”, “combat”, “vilain” par exemple. Ces sons ne se retrouvent pas non plus dans les autres langues celtiques, ils ont été importés comme à l’habitude du français.
Au delà de la légitimité ou non de ces sons dans la langue bretonne, c’est surtout le choix du “ñ” qui pose question. Ce graphème est exclusivement utilisé dans les langues ibériques et quelques autres langues non-européennes. Il n’était pas nécessaire d’utiliser cette lettre alors que nous connaissons l’ancienne graphie bretonne qui marquait les nasalisations. Ce sont les “-ff”, “-nf” ou des “-nv”, que l’on retrouve encore largement dans les noms de famille, comme “Henaff”, “Heussaff”, ou “Cueff”.
L’interdialectique continue cependant encore à l’utiliser faute de consensus sur la graphie à adopter.
Comparaison des graphies via une strophe du Gododdin
Pour donner un aperçu des modifications apportées et du rapprochement avec l’ancien brittonique, une strophe du Poème “Gododdin”, un des plus vieux écrits en brittonique (donc dans la langue ancêtre du breton) a été traduit dans les deux formes d’écriture bretonne, ainsi qu’en français.
On peut remarquer que, via l’écriture interdialectique, certains mot du brittonique transparaissent plus aisément.
Breton “Peurunvan” | Breton interdialectique | Vieux-brittonique | Français |
Gourion a eas da Gatraeth e gwawr (tarzh an deiz) | Gourion a eath da Gatraeth e gwawr | Gwyr a aeth gatraeth gan wawr | Les héros allèrent à Catterick dès l’aube |
Tec’hel diouzh o annez a reas o aon | Tec’hel diuth o annes a reas o hovn | Trauodynt eu hed eu hovnawr | Elle partie de leur âme la peur |
Mil kant ha tri-c’hant en emgannas | Mil cant ha tri-c’hant en emgannas | milcant a thrychant a emdaflawr | Cent milles trois-cents se battirent |
Mastaret o goafoù gant gwad, | Mastaret o gwafow gant gwaet | gwyarllyt gwynnodynt waewawr | Leurs lances tachées de sang |
Eñ eo a chom en e sav en emgann | Env eo a chom en e sav en emgann | ef gorsaf yng gwryaf. eggwryawr | Lui restait droit face au combat |
Dirak koskor Mynyddawc Mwynvawr | Dirac cosgor Mynyddawc Mwynvawr | rac gosgord mynydawc mwynvawr | Devant la troupe de Mynyddawc Mwynvawr |
Petit contexte historique à propos du poème: il s’agit de la Bataille de Catraeth qui a opposé les anglais aux celtes de Gododdin dans le milieu nord de la Grande Bretagne. Les celtes se sont battus en nombre très inférieur à leurs ennemies et tous ont été massacrés à l’exeption de trois guerriers dont Aneirin, qui était aussi barde et composa ce poème plus tard.

A nous de reprendre le flambeau
Si nous voulons faire valoir les racines celtiques de la Bretagne, la représentation que l’on se fait de notre langue est sans doute le plus puissant lien que l’on doit maintenir avec les autres peuples celtes. Nous devons receltiser notre vocabulaire tout en gardant ses particularités.
Construire des nouveaux mots à partir de radicaux breton peut être une bonne idée, mais adopter cette solution de manière trop systématique peut aboutir à un langage alambiqué et technique qui perd de sa saveur, d’où l’expression de “breton chimique”, que les anciens utilisent souvent.
Avant de chercher à créer des néologismes ou, pire, d’y intégrer de surcroît des termes français, Il convient tout d’abord de fouiller dans la langue galloise qui possède un vocabulaire plus riche et en filiation directe avec le brittonique (comme exemple il y a le mot Gwawr (“aube”) au début de la strophe cité au dessus, intégré dans la traduction bretonne par manque de termes adaptés). Des mots qui très certainement existaient en vieux breton et dont l’usage s’est perdu.
En résumé : Souhaiter l’indépendance de notre nation implique une réappropriation de notre langue par nous même ainsi que sa restructuration sur les fondations celtiques. C’est un travail fastidieux mais faisable. Avec les outils informatiques moderne nous avons un accès instantané et très souvent gratuit à toute la matière nécessaire au combat culturel. A nous d’y mettre de la volonté pour faire face à un avenir rude. Notre culture comme bouclier, et notre sang comme arme. Argad!
Riwal ar Guyader
Da va meno uvel-tre, seurt pennadoù e galleg diwar-benn ar brezhoneg ne dalvezont ket kalz. Diskouez a ra d’ar C’hallaoued e vefemp evel disrannet ha ne vag ket ar preder brezhonek. Ar Vretoned a vag ur preder diwar-benn ar brezhoneg a rank henn ober e brezhoneg. Embannet em eus un teuliad tregont pajenn a brederiadennoù diwar-benn implij ar reizhskrivadur peurunvan. E berr, ez eus traoù mat ha traoù fall gantañ. Met da vihanañ hon eus ur reizhskrivadur, ha din-me n’eo ket poent cheñch reizhskrivadur. Poent eo ober gantañ bepred ha ledanaat implij ar brezhoneg e Breizh a-bezh ha pelloc’h. Da lavarout eo en ur ger : brezhonekaat.
Amañ e lakaan d’al lennerien dedennet ul liamm evit prenañ ar « Burutelladennoù war ar reizhskrivadur peurunvan » am eus embannet a-ratozh evit ar re a breder diwar-benn ar reizhskrivadur. War-lerc’h e vo tu kaozeal, e brezhoneg, diwar-benn ar brezhoneg hag ar yezhoù keltiek.
https://www.lulu.com/fr/fr/shop/tepod-mab-kerlevenez/burutelladenno%C3%B9-war-ar-reizhskrivadur-peurunvan/paperback/product-nre65v.html?page=1&pageSize=4
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Mar fell deoc’h skrivañ ur respont d’hor c’hamalad e vo embannet laouen.
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Un evezhiadenn e oa hepken. Ha marteze ne gomz ket brezhoneg, p’en deus skrivet e galleg amañ.
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Komz a ra brezhoneg mat ! An holl vroadelourien vreton a c’hall kas pennadoù d’hor Blog, gant ma tifennont hor mennozhioù.
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