La langue bretonne, cousine cachée du gallois

L’emblématique « BZH », symbole de l’orthographe bretonne actuelle

Pourquoi s’attarder sur les règles orthographiques d’une langue et changer un système qui serait déjà fonctionnel ? L’orthographe bretonne actuelle (le surunifié, ou peurunvan), stabilisée depuis 8 décennies maintenant, est utilisé par la grande majorité des brittophones, et grand bien lui fasse puisqu’elle a permis une intercompréhension sans peine entre tous les territoires de la Basse-Bretagne. Dispar.

Mais y-a-t ‘il continuité entre notre écriture contemporaine et celle du vieux brittonique, langue qui était commune aux Bretons et aux Gallois il y a encore à peu près 1000 ans ? Quand on pose le regard sur l’écriture de la langue galloise, on a peine à croire que la langue bretonne serait cousine de celle-ci. Les locuteurs celtes insulaires sont d’ailleurs souvent surpris par l’écriture du breton qui s’éloigne pour beaucoup de leurs graphies respectives. Et en effet, l’écriture du breton a très vite été influencée, d’abord par le latin, puis par le gallo, et enfin surtout par le français de l’école.

Les progrès atteints par l’études des anciens textes celtes ont permis de dresser une histoire assez riche des mots bretons, pouvant être reconnectés pour certains jusqu’au gaulois. Ce travail permettrait aujourd’hui une nouvelle réforme de l’orthographe bretonne qui aurait pour référence le brittonique, la langue mère qui représente le socle commun avec le cornouaillais et le gallois.

L’écriture, outil magique avant d’être pratique

Clio, muse de l’histoire et de l’écriture

Une orthographe est le plus souvent le compromis entre deux aspect principaux de la langue : sa phonétique, et son étymologie.

Une écriture phonétique est une écriture dont chaque lettre exprime un son spécifique que l’on retrouvera à l’oral dans l’expression des mots. Dans le mot “sac” par exemple, chaque lettre se réfère au son /s/, /a/ et /c/.

Une écriture étymologique est une écriture qui reprend une orthographe d’une langue plus ancienne. Le mot “oiseau” illustre bien ce cas, on a ici un mot qui reprend une graphie remontant à l’époque médiévale ou l’on prononçait le mot approximativement “oysiewl”. Aujourd’hui il est prononcé “wazo”, mais la forme ancienne est conservé par écrit.

Bien restreint serait aujourd’hui le nombre de francophones qui souhaiteraient que l’on écrive “wazo” plutôt que “oiseau”, pourtant la première forme est plus simple et cohérente. On trouve la forme classique plus belle et agréable, sans connaitre la raison de notre jugement. Cette dernière renvoie aux mécanisme psychiques humain inconscients relevant d’une mémoire collective. Chaque mot est témoin de l’histoire d’un peuple, il voyage et mute au gré des épopées guerrières, de la plume des hommes de lettres ou des interprétations populaires.

Quand un Français écrit “oiseau” sous cette forme malgré sa prononciation, il renvoie à la vieille langue d’oïl des Gaules médiévales, elle même descendante d’un latin vulgaire mêlée à un fond gaulois qui témoigne de la romanisation des anciens Celtes. C’est en ce sens qu’une écriture peut posséder une dimension magique, elle recouvre la langue d’une substance historique qui transcende la simple lecture par un jeu discret de conventions étymologique qui témoigne d’une transmission culturelle multiséculaire.

Mais si à contrario ce même français écrit “wazo”, comme il est proposé à notre époque dans les réformes orthographique de certains idéologues progressistes (cf. “ortograf Périard”), il fait alors ici table rase du passé, obéissant à l’idéologie des “lumières” et s’adaptant à une vision quantitative, marchande et globaliste de la société.

Ainsi, une écriture purement phonétique tourne le dos à son histoire linguistique et par là à l’histoire du peuple qui la pratique. Ce dernier se retrouve ainsi déraciné, non pas de son terroir, mais, bien plus grave, de ses strates mémorielles, il est amnésique (tout rapprochement à la situation d’un ou plusieurs peuples d’aujourd’hui est évidemment fortuite).

Au contraire une écriture purement étymologique ne pourrait simplement pas être compréhensible. Si nous reprenons le mot “oiseau”, celui-ci pourrait se référencer à une graphie beaucoup plus lointaine remontant jusqu’au latin avicellus (prononcé “avikelous”), qui n’a plus aucune accointance phonétique avec ce “wazo” contemporain.

L’idéal est de parvenir à un équilibre entre exactitude étymologique et lisibilité de la langue. Le français donné ici comme exemple se targue de beaucoup d’irrégularités dans son orthographe, d’incohérences, d’exceptions en tous sens. Un choix maintenu par ses lettrés, par soucis de référencement à l’origine des mots et donc à son histoire. Mais alors qu’en est-il du breton?

Une orthographe celtique

Le brittonique est la souche commune des trois langues issues de Grande-Bretagne (ici le manuscrit de Carmarthen, écrit en vieux gallois)

Notre orthographe actuelle, le surunifié (peurunvan) a été créé le 8 juillet 1941 lors d’une réunion d’écrivains bretons (dont Roparz Hemon, Abeozenn, Louis Herrieu, François Kervella et d’autres…) . C’est à ce moment qu’a été adopté le fameux “zh” qu’on reconnait dans “Breizh” par exemple, qui symbolise l’unification orthographique du /z/ Léonard, et du /h/ Vannetais. Ainsi les membres jetèrent les fondation de l’orthographe la plus usitée encore aujourd’hui.

Dans un souci de reconnexion avec les origines celto-brittaniques trop ignorées par les Bretons, il serait de bonne augure d’embrasser une nouvelle orthographe du breton qui pourra la rapprocher du socle commun avec la branche galloise que fut le brittonique.

Deux réformes de l’orthographe ont suivies le peurunvan il y a plusieurs décennies:

  • l’ universitaire (skolveurieg)
  • l’ interdialectique (etrerannyethel)

Concernant l’orthographe universitaire, il s’agit d’un projet financé en 1953 par l’Etat français au travers du professeur Falc’hun ordonnant à l’administration universitaire de simplifier (voir même d’appauvrir) l’orthographe du breton par une transcription essentiellement phonétique, tout en la francisant dans l’idée, soit disant, de faciliter la lecture aux étudiants francophones. Nous estimons cette orthographe insultante envers la langue et son histoire, qu’elle est censée retranscrire. Ainsi nous ne nous y attarderons pas d’avantage.

Il reste l’interdialectique qui a été mis aux point dans une première version présidée par Albert Boché et proposée en 1975 dans le cadre du développement de la méthode Assimil en breton. Ce système accorde une attention particulière à l’étymologie des mots, donc en prenant en compte son origine, celtique ou française, et en tentant de raccorder sa graphie à celle qui fut d’usage dans le brittonique, que l’on retrouve dans le gallois ou le cornique. Elle a connu un succès modéré à l’époque avant d’être à nouveau reprise et retravaillée plus récemment, en particulier par les travaux du linguiste Albert Deshayes.

Ce système est le plus intéressant car il est l’évolution naturelle résultant des travaux de recherches linguistique de ces dernières décennies. Sa mise au point est encore très récente et peu connue des brittophones, mais sa cohérence doublée de sa richesse étymologique qui rappelle l’écriture galloise nous donne une écriture harmonieuse et enracinée. Comme par exemple le mot nevez (“nouveau”) en surunifié, qui devient newedh, raccord avec le gallois newydd. Ou encore kleze (“épée”) qui devient kledheñv, répondant au gallois cleddyf.

C’est sur ce troisième système que nous nous pencherons plus en détail dans notre deuxième partie. Jusque là, portez vous bien. Breith Ataw !

R. ar Guyader

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