Article paru sur le site NoReporter (1), traduit et adapté par Barr-Avel pour ses lecteurs.
Gabriele Adinolfi est un militant nationaliste-révolutionnaire italien. Il anime aujourd’hui un réseau pan-européen militant, Les Lansquenets.

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« En Ukraine pour le moment, l’offensive russe ne s’est pas déroulée comme prévu. (…) Si l’objectif était de faire une guerre éclair, c’est un échec. L’appel lancé à l’armée ukrainienne pour qu’elle mène un coup d’État a jusqu’à présent été ignoré. L’objectif visé par les Russes ne semble pas très clair et il est à craindre que la déclaration alarmiste britannique « la guerre durera des années » ne soit pas entièrement infondée.
La Russie, l’Amérique et la Chine
Nous avons dit, et continuons à dire, que cette invasion russe est le résultat d’un accord caché entre Biden et Poutine, et qu’il est aussi l’aboutissement d’une stratégie britannique contre la Russie et contre l’Europe.
Nous avons dit, et nous continuons à le dire, que le grand gagnant est la Chine et que cette guerre renforce l’OTAN en brisant l’entente germano-russe qui se poursuivait depuis l’époque de Brandt avec Schmidt, Kohl, Schroeder et Merkel. (…)

L’analyste indien Raja Mohan avant le début du conflit écrivait ce qui suit : « (…) il y a aujourd’hui une convergence entre Washington et Moscou (…) La Russie veut arracher suffisamment de concessions aux Etats-Unis pour renforcer sa position en Europe (…) Mais si elle devait se laisser entraîner dans un conflit plus profond en Europe, la Russie serait inévitablement entraînée vers la Chine (…) ».
Les premiers effets de l’invasion de l’Ukraine
Aujourd’hui, plus ou moins tous les analystes s’accordent sur trois considérations. La première est que la décision de Poutine rend l’autonomie stratégique européenne impensable pour le moment, la seconde est que le grand gagnant est la Chine, la troisième est que les Britanniques jouent un rôle de premier plan, bien que discret.
Je rejette l’objection selon laquelle la Russie n’aurait pas pu faire autrement parce qu’elle risquait sa sécurité. C’est faux, non seulement parce que l’Ukraine n’était pas dans l’OTAN et que de nombreux membres de l’OTAN n’en voulaient pas, mais parce que l’accord avec l’Allemagne (le même qui a permis la paix de Minsk) lui a permis non seulement de vivre en paix, mais aussi d’assumer un rôle de partenaire spécial (…).

Si tous les peuples qui ont été sous l’égide de Moscou haïssent et craignent la Russie en même temps, ce n’est pas parce que les Anglo-Américains – qui ont jeté de l’essence sur le feu – les ont achetés ou hypnotisés. Si tout le monde se tourne vers l’OTAN pour se défendre contre les Russes, c’est aussi parce que ces derniers n’ont jamais cessé de revendiquer leurs anciens satellites. Et le choix de Poutine d’envahir l’Ukraine (…) confirme que leurs craintes n’étaient pas imaginaires. Bien sûr, les Anglo-Américains les ont aidés à commettre cette énorme imposture, mais les Russes en sont toujours responsables, au moins sur un pied d’égalité.
L’OTAN
Pour ceux qui, comme moi, étaient déjà contre l’OTAN à une époque très lointaine, alors que la plupart pensaient encore qu’elle les défendait du communisme et n’avaient pas compris que – à l’époque comme aujourd’hui – Moscou et Washington jouent le même jeu et sont des complices objectifs, le fait que le Pacte atlantique se trouve pleinement renforcé est dramatique. (…)
L’OTAN est un problème pour nous parce que c’est un système de compactage sous l’égide anglo-américaine, pas parce qu’elle représenterait le mal absolu contre un bien absolu (…).
L’OTAN se renforce-t-elle et l’autonomie européenne est-elle en train de s’effondrer ?
Pas entièrement. Certes, la décision soudaine et désastreuse de Poutine rend le pragmatisme allemand plus crédible que le protagonisme Français. (…)
Mais il y a quelque chose de plus, la France et l’Allemagne ont décidé d’envoyer des armes aux Ukrainiens sans passer par les canaux de l’OTAN et, par conséquent, de maintenir une centralité autonome même dans cette politique interventionniste.

Oui, je sais que pour les insensés, ceci serait une soumission aux Anglo-Américains, mais ce n’est pas le cas, et pas seulement dans la forme mais dans le fond parce que si nous n’allions pas à la rescousse de ces gens attaqués et fiers (…) le résultat politique qui serait obtenu serait que l’Europe de l’Est et les Scandinaves rompraient avec l’UE. Ils se seraient alors définitivement rangés du côté des Britanniques, peut être en intégrant une fédération commune avec le Commonwealth, et alors les Anglo-Américains auraient gagné, grâce à notre ignorance et à la politique russe.
Et si cela finissait par avoir un effet inattendu ?
Enfin, la décision déplorable de Moscou s’ajoute aux choix stupides de Trump d’il y a cinq ans qui ont poussé l’UE à raisonner en tant que sujet politique et à faire obstacle aux États-Unis dans l’Indo-Pacifique, car elle impose la nécessité d’un changement énergétique qui ne nous rend plus dépendants du gaz et du pétrole importés. Le processus européen se poursuivra.
Nous déplorons que la Russie, interlocuteur stratégique dont nous aurions besoin (…) ait fait un choix désastreux en ce moment.

Nous verrons avec le temps si elle se repentira et si les sirènes chinoises et américaines cesseront d’attraper ceux qui siégeront au Kremlin, et si, par conséquent, la ligne identifiée par le Think-Thank de Moscou qui considère l’UE comme le seul partenaire stratégique fiable, sera finalement suivie avec pour finalité une paix durable entre nous et eux. »
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Gabriele Adinolfi
(1) http://www.noreporter.org/index.php/conflitti/28515-far-di-veleno-pozione