Au cours d’une discussion, entre Hauts et Bas-Bretons, survenue, à Rennes, il y a quelques semaines, un fils du Bas-Pays opposa une énergique dénégation aux prétentions émises par un Nantais qui affirmait que les Gallos étaient aussi Bretons que les autres.

Cet ostracisme stupide, qui fait que certains Bas-Bretons considèrent que la Bretagne prend fin là où cesse l’emploi de la langue bretonne va-t-il durer encore longtemps ?
Peut-être serait-il nécessaire de donner à ces pauvres gens une définition exacte du mot breton. Un breton est celui qui est originaire de Bretagne et la Bretagne est une région, sise à l’extrême-occident européen, constituée par ce qui fut jusqu’en 1532 le duché souverain de Bretagne, de cette date à 1789, la province d’Etat du même nom et depuis la Révolution par les cinq départements du Finistère, du Morbihan, des Côtes-du-Nord, de l’Ille-et(-Vilaine et la Loire-Inférieure.

Ceci est généralement admis et, le seul C.E.L.I.B dont la « Bretagne idéale » est bâtie sur des données dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles relèvent de la plus esbaudissante fantaisie, en conteste l’exactitude.
Qu’a donc voulu dire le Bas-Breton précité ? Sans doute que les Gallos n’étaient pas Bretons, parce que ne parlant pas la langue bretonne et parce qu’étant considérés comme ayant trop de sang armoricain dans les veines.

Pour être catalogué breton, faut-il, comme les bêtes de race, fournir un pédigrée prouvant que l’on ne descend exclusivement que des Grands Bretons émigrés du cinquième siècle ? En ce cas, il est même peu de Bas-Bretons, même parlant la langue, qui pourraient briguer ce titre, car, en Haute comme en Basse-Bretagne, les gens venus de l’île de Bretagne se sont mélangés aux éléments autochtones préexistants. Le pourcentage du sang armoricain est peut être plus important en Pays Gallo, c’est possible, encore que ce ne soit pas prouvé et que le brassage des populations au cours des siècles soit parvenu à compliquer les choses à un point tel que mieux vaut ne pas aller trop avant dans ce domaine sous peine de faire fausse route.
Alors ? Alors, il y a la différence de mode d’expression. Notre pays est divisé en Bretagne bretonnante et Bretagne gallèse. Cela est depuis des siècles et nous n’y pouvons rien changer. Ce n’est pas une raison pour nier à ceux qui parlent gallo, ou français, la qualité de Bretons à laquelle ils peuvent et doivent prétendre de plein droit. La République helvétique est quadrilingue. Qui donc aurait l’idée saugrenue de dénier à l’une de ses composantes la qualité de Suisse ?

Assez de sornettes ! Parlant français ou parlant breton, voir même jactant l’argot (ce dont les Bas-Bretons ne se privent point), Rennais ou Nantais, Trégorrois et Cornouaillais et les autres sont aussi Bretons les uns que les autres. C’est un axiome et le nier équivaut à se couvrir de ridicule.
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Y. Bouffay
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Tiré de La Bretagne Réelle, 1954