Il y a quelques mois, nous publiions l’étude de notre ami Joseph Guillemot sur la génétique des Bretons (https://barr-avel.blog/2021/03/03/les-bretons-un-peuple-genetiquement-distinct/) dans laquelle il expliquait que les Bretons étaient une population clairement distincte de l’ensemble français et qu’ils étaient plus proches des populations des îles Britanniques que des populations du reste de la France. Nous proposons aujourd’hui à nos lecteurs un article du bloggeur irlandais Grandson of Finn (https://mobile.twitter.com/ogmios) sur l’histoire génétique de la France, traduit et adapté en français par Logan Gourenez pour le blog Barr-Avel.
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Lorsque César est entré pour la première fois en Gaule, il décrivait le pays comme suit : « Gallia est omnis divisa in partes tres ». Ces trois parties étaient Celtica au centre, Belgica au nord-est et Aquitania au sud-est.

Depuis cette première ethnographie du pays, la Gaule a connu un afflux de Romains, de barbares germaniques et germano-celtiques, et de Bretons en Armorique.

L’étude The Genetic History of France (1) prend les données génétiques de deux études et les compare : l’étude SU.VI.MAX et l’étude Three Cities (2). L’étude 3C a pris des échantillons de personnes âgées de 65 ans et plus à Bordeaux, Dijon et Montpellier. Même s’ils ne venaient que de trois villes, ces gens avaient des lieux de naissance de partout en France. L’étude SUVIMAX a pris des échantillons de personnes dans chaque département de France, et cette étude estime leur localisation en fonction de la capitale du département. Ainsi, il faut garder à l’esprit que ces échantillons surreprésentent les populations urbaines. À l’aide de ces données, les chercheurs ont divisé la France en 94 départements. Le niveau de détail le plus élevé trace une ligne entre le sud-ouest de la France (Basque/Aquitaine) et le reste de la France.

Les autres divisions de la France séparent le pays en six districts : SW (rouge foncé), Sud (orange), Centre (jaune), NW (rose), Nord (bleu) et SE (cyan). A noter que l’étude 3C dispose de bien meilleures données sur le sud de la France (orange) que le SUVIMAX.


Et le SUVIMAX a de meilleures données sur le sud-est (cyan). C’est pourquoi vous voyez une zone orange distincte dans 3C et une zone cyan distincte dans SUVIMAX.
Les clusters s’alignent bien sur les trois grands fleuves de France, la Garonne, la Loire et l’Adour dans le sud-ouest. La Loire, en particulier, est un fleuve escarpé et féroce, au débit rapide et en crue sur plusieurs kilomètres chaque année. Sa pente est 3 fois plus raide que la Seine. De même la Garonne a l’un des débits les plus rapides et compte peu de gués ou de ponts, même au temps de Strabon.
Les chercheurs ont également trouvé une « carte des flux génétiques » de la France basée sur les deux ensembles de données. Ces cartes montrent les zones en bleu qui sont plus faciles à traverser pour les personnes (et les gènes) et les zones en rouge où les déplacements sont difficiles. Notez la couleur des régions isolées que sont l’Aquitaine, la Bretagne et les Alpes italiennes

Comparez cette carte au tableau ci-dessus et aux cartes suivantes des principautés médiévales internes au royaume de France au Moyen-Âge. Voyez comment les nombreux royaumes éclatés autour de Paris correspondent aux zones rouges sur la carte. Nous pouvons voir que de nombreux dirigeants se disputaient cet emplacement capital.

Ensuite, les chercheurs ont modélisé les données génétiques en composants d’autres populations européennes, en utilisant des groupes tels que CEU (Europe du Nord et Grande-Bretagne), IBS (Ibérie et basque) et TSI (Europe du Sud et Italie). Voici leurs résultats.

Comme vous pouvez le voir, le SW (Pays Basque français) est presque entièrement ibérique et basque. Le Sud est aussi majoritairement espagnol ou ibérique, ce qui ne veut pas dire que les Espagnols ont afflué en France à un moment donné, mais qu’ils partagent un génome et un héritage communs.
Le centre de la France est composé à parts égales d’Europe du Nord et d’Ibérie, avec quelques gènes italiens remplissant le reste. La Bretagne est la zone la plus au Nord de l’Europe, clairement en raison des migrations historiques des Bretons et de son isolement relatif (voir graphique 2). Le Nord est génétiquement sur une pente allant de l’Europe du Nord (à égalité avec le NW) au Centre de la France.
Permettez-moi de dissiper ici une idée reçue. Le sang partagé avec l’Ibérie vient de l’ère pré-romaine lorsque les Celtes du sud se sont déplacés du sud de la France vers la côte ibérique. Le sang italien passe par l’Italie du Nord et les Alpes.
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Les chercheurs ont également modélisé la population française en termes d’agriculteur européen (EF), de chasseur-cueilleur occidental (WHG) et d’éleveur des steppes (SP). Décomposons les résultats région par région.

Le NW (Bretagne) est le premier à se démarquer. Dans les deux ensembles de données, il a la part la plus faible de sang EF et la part la plus élevée de sang WHG et SP.
Le Sud-Ouest est la région avec la plus grande part d’ADN EF. Il y a déjà eu des études montrant que l’ADN basque est très proche de l’ADN EF, et bien que le SW dépasse le simple pays basque, la population basque ancienne y a laissé de nombreux gènes dans les populations modernes.
La proportion d’ascendance EF en France suit une pente nord-sud, allant de la Bretagne à l’Aquitaine. De même, le Sud-Est de la France est celui qui a le moins d’ADN de pasteurs steppiques et le moins d’ADN WHG, à environ 30% et 6% respectivement.
Le Nord enregistre environ 10 % WHG, 60 % EF et 30 % SP. Le centre de la France est également aux alentours de 10 % WHG, 60 % EF et 30 % SP. Le sud de la France suit également ce schéma, environ 15%, 60% et 25%. Notez que SO, CTR et NO forment souvent un continuum clair du sud au nord.
Il y a beaucoup à dire sur le clivage Nord France/Sud France, mais ce n’est pas aussi prononcé que la plupart des gens le croient. L’argument principal est qu’une partie est plus influencée par les seigneurs allemands barbares, et une partie plutôt influencée par les dirigeants romains. Les différences existent entre les deux régions mais elles ne sont pas forcément très importante.

J’ai parfois entendu que « N’importe quel Français du Nord est plus proche de n’importe quel russe qu’il ne l’est d’un Français du Sud » pour montrer à quel point le Sud est sombre. Le graphique PCA ci-dessous montre en fait l’ADN russe en rose. Voyez par vous même …


Inutile de dire que, contrairement aux affirmations de certains, la proximité génétique des personnes vivant immédiatement les unes à côté des autres est beaucoup plus importante que celle des personnes vivant très loin les unes des autres. Et si vous regardez la répartition suivante des ascendances individuelles (chaque lignée est un homme), vous pouvez voir que la majorité des Français, à l’exclusion des Basques au Sud-Ouest et des Bretons au Nord-Ouest, sont très proches les uns des autres.
Néanmoins, vous pouvez modéliser la France comme un gradient entre la population du Sud et la population du Nord si vous le souhaitez, mais il peut être préférable de modéliser un groupe N, S, CTR et E à la place.

Et si vous prenez un groupe EEF, un groupe WHG et un groupe Steppe, et que vous les placez sur la carte de « facilité de mouvement » ci-dessous, vous pouvez obtenir le gradient suivant de composants d’ascendance.


Pour conclure sur les Bretons spécifiquement, ils partagent plus d’ADN en commun avec la Grande-Bretagne qu’avec le reste de la France. Et si vous regardez sur un graphique PCA, la Bretagne et les Orcades se chevauchent à peu près.

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Grandson of Finn
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1) https://www.nature.com/articles/s41431-020-0584-1
(2) http://www.three-city-study.com/the-three-city-study.php