“Les communautés ethniques en France”, vues par Paul Sérant (1976)

« Régionalisme, ethnisme, fédéralisme, autonomisme, séparatisme… Autant de mots qui, depuis quelques années, reviennent de plus en plus fréquemment dans les débats politiques, dans les journaux, à la radio et à la télé. Mais, comme il arrive souvent, ce qui est clair pour les “milieux bien informés” (et encore !) l’est moins pour un public plus étendu. Peut-être n’est-il pas inutile de faire le point sur la question – particulièrement en ce qui concerne la France.

Le régionalisme étant surtout actif dans les minorités ethniques, il faut d’abord comprendre ce qu’est une ethnie. L’éminent spécialiste en la matière qu’est Guy Héraud nous dit qu’il s’agit d’”une collectivité présentant certains caractères distinctifs communs de langue, de culture et de civilisation”. L’ethnie ne se définit donc pas par des éléments biologiques. Ces éléments ont leur importance, mais d’autres comptent autant, ou davantage, dans la physionomie générale d’une communauté ethnique. Il y a le sang, mais aussi le sol, il y a la géographie et le climat, il y a la langue ; il y a enfin la culture et la civilisation, avec un ensemble de traditions procédant de données spirituelles, influencées de façon plus ou moins prononcée par l’évolution historique.

La communauté ethnique ne se confond pas nécessairement avec l’Etat national. La nation française, au sens historique du terme, telle que ses institutions et ses frontières le définissent, c’est l’hexagone métropolitain, plus la Corse et les départements et territoires d’outre-mer, vestiges de ce qui fut en d’autres temps l’Empire français, puis la Communauté.

Or, même si nous laissons de côté les départements et territoires d’outre mer, pour nous limiter au territoire métropolitain et à la Corse, nous distinguons en France plusieurs domaines ethniques. D’abord, le domaine d’où notre langue nationale tire ses origines, c’est-à-dire l’ensemble des provinces qui, comme l’Ile-de-France elle-même, n’ont d’autre langue maternelle que la langue française. Ensuite les ethnies minoritaires : Flandre, Bretagne, Pays Basque, Occitanie, Catalogne, Corse, Alsace et Lorraine Mosellane.

Minorités ethniques en France
Les nations réelles de l’Hexagone.

Les frontières de l’Etat ne coïncident pas avec les domaines propres des ethnies. Du point de vue des origines ethniques, la Flandre française constitue la partie méridionale des Pays-Bas. La Bretagne est sœur des autres pays celtiques : Pays de Galles, Cornouailles, Ecosse, Ile de Man, Irlande. Les Basques et les Catalans de France habitent le nord de pays dont la plus grande partie est soumise à l’autorité de l’Etat Espagnol. Le vaste domaine occitan déborde légèrement les frontières de l’Etat français (Val d’Aran, Monaco et quelques vallées alpines). La Corse n’est pas sans parenté avec les provinces italiennes les plus proches d’elles. Quant à l’Alsace et la Lorraine mosellane, elles appartiennent à l’ensemble des pays alémaniques.

(…)

Partout les problèmes ethniques et régionaux sont à l’ordre du jour. Dans tous les Etats, les communautés ethniques prennent une conscience accrue de leurs problèmes spécifiques. (…)  Le renouveau du sentiment régional en France est d’autant plus impressionnant que l’Etat français a tout mis en œuvre pour le faire disparaître. »

Paul Sérant, 1976

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