Une grande lueur se leva sur la Bretagne : Saint-Yves (Arthur de la Borderie)

Au couchant du XIIIe siècle, une grande lueur se leva sur la Bretagne : Saint-Yves.

Dans la sanglante période de la tyrannie anglaise de Plantagenet, la forte vertu de la race s’est montrée avec éclat : On avait vu des héros, Eudon de Porhoet, Jean de Dol, Raoul de Fougères, invincibles à toutes les mauvaises fortunes, maintenir haute et indomptable la bannière de la patrie bretonne.

Puis le jeune duc Arthur avec sa sanglante couronne d’enfant-martyr traverse rapidement notre Histoire comme une apparition évoquée par la voix fatidique de Merlin.

… Mais sous Jean Le Roux, sous son fils, pas de grands événements, pas d’hommes notables, et peut-être, parce qu’il n’y avait pas de grands événements, car ce sont les événements qui font surgir les hommes.

Pourtant voyez, prenez garde :

Voici que dans cette fin du 13e siècle une grande lueur se lève sur la Bretagne, illuminant tout son horizon. Entouré d’une foule qui le suit à rangs pressés, qui le poursuit de ses acclamations, un homme s’avance plein d’humilité et rayonnant de gloire. Ce n’est ni un prince, ni un guerrier, ni un évêque, ni un moine, c’est un simple prêtre, un recteur de campagne… Mais ce simple prêtre sera désormais le grand Patron puissant protecteur de la Bretagne, l’illustre Saint Yves de Kermartin.

Ce n’est point comme beaucoup se l’imaginent, un saint homme pieusement retiré dans un coin, s’y sanctifiant à loisir à force de dévotions, de mortifications et d’aumônes, pour son profit personnel et celui de son petit entourage.

Saint Yves est tout autre chose. D’abord c’est un savant, un lettré. Pendant treize ans – les derniers de sa vie – il prêche. Il parcourt. Il remue toute la Bretagne, les foules assiègent sa chaire, vingt fois, trente fois plus nombreuses pour lui que pour tout autre orateur, « fit-ce un évêque », et si charmées de sa parole qu’elles le suivent pour l’entendre de paroisse en paroisse, partout où il lui plaira de porter sa prédication.

Et bientôt quand on voit ce prêcheur éloquent, ce jurisconsulte si savant, promener dans les campagnes son grand manteau de bure blanche, symbole de sa vie ascétique, arboré par lui exprès « pour amener plus facilement les brebis du Seigneur à l’amour du Christ » ; quand on sait que sa science, son éloquence, ne sont rien pour ainsi dire, aux prix des merveilles incomparables de son austérité et de sa charité ; alors que l’admiration est sans borne, tous les Bretons « nobles et roturiers, riches et pauvres vénèrent Monsieur Yves comme leur père, et partout où il paraît, ils se lèvent devant lui par respect. »

Et lui mort – 19 mais 1303 – ce n’est pas seulement la Bretagne c’est le roi et la reine de France, l’Université de Pairs, nombre d’évêques, la France entière qui prie, qui presse le saint Père de mettre Yves sur les autels. Son culte en un clin d’œil se répand dans toute la chrétienté, et partout il symbolise la Justice et la Bretagne ; partout il la couvre d’hermines, partout on proclame en lui la personnification la plus illustre et la plus achevée de la race bretonne.

Voilà dans l’Histoire, la place, le rôle, la grandeur de saint Yves.

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