« La Bretagne : une nation, une patrie et une âme », Brezona (1941)

La Bretagne, nation historique.

La Bretagne a un passé de Nation. Elle est née d’événements étrangers à la formation de la nationalité française.

Alors que la France doit sa figure moderne aux conquêtes romaine et franque, la Bretagne la doit à l’occupation, l’assimilation et l’organisation de l’Armorique gallo-romaine du IVe au IXe siècle par les immigrants venus de l’Ile de Bretagne sous la conduite de leurs chefs spirituels et politiques nationaux.

Les Bretons firent de l’Armorique la Bretagne. Ils y apportèrent des institutions sociales et religieuses originales, une langue, une littérature et surtout une conscience nationale nouvelle.

Ils battirent sur le flanc de cette Gaule franque, qui n’était pas encore la France, une petite nation fortement caractérisée, s’apparentant étroitement aux peuples de Galles et de Cornouailles d’outre-manche.

La Bretagne a un passé de nation. Elle est née d’événements étrangers à la formation de la nationalité française. Sans la venue des Bretons, notre pays ne serait ni plus ni moins qu’un Maine ou un Poitou.

Du IV au XVIe siècle, la Bretagne resta un état souverain, jouissant d’un statut politique indépendant, qui lui assurait la paix et la prospérité en lui permettant de se tenir à l’écart des rivalités de ses voisins.

Sa politique traditionnelle au cours de mille ans d’indépendance fut toute de résistance aux entreprises de conquêtes françaises et anglaises.

La Bretagne, patrie naturelle.

La Bretagne n’aurait-elle jamais été indépendante, qu’elle n’en possèderait pas moins les caractéristiques d’une nationalité, telle qu’on entend ce mot aujourd’hui ; c’est-à-dire, non pas un Etat aux frontières délimitées au hasard des alliances dynastiques et des guerres, un pays dont le seul lien entre les habitants est un gouvernement commun, mais une famille humaine homogène, une contrée renfermant des individus de même race.

La Bretagne forme en effet un tout physique et humain essentiellement distinct, en dehors de l’unité française, en marge de la civilisation latine. Renfermé dans une entité géographique parfaite et prédestiné par la nature à une vie indépendante, son peuple par son langage national, par son caractère bien tranché, les aspects de sa vie sociale et économique, son activité artistique et intellectuelle propre, fait à l’intérieur des frontières françaises figure de nation.

Malgré les circonstances défavorables, qui ne lui ont pas toujours permis de s’exprimer formellement, le génie breton, qui est du type nordique, se distingue formellement du génie néo-latin de la France. Il s’est manifesté au cours des siècles dans nos anciennes institutions, dans les péripéties de notre histoire, dans la vie et les œuvres de nos grands hommes. Il a laissé les monuments impérissables de notre civilisation paysanne et de notre architecture. Mais nulle part mieux que dans la langue bretonne, ce génie qui se porte aux extrêmes avec la même prédilection que le génie français s’en tient écarté, ne se manifeste.

Le celtique armoricain, par la nature même de ses ressources morphologiques et syntaxiques, étrangères au génie des langues latines, manifeste qu’il est l’œuvre d’une intelligence, qui n’est ni latine, ni française.

L’âme nationale.

Par sa race, par son histoire, par son génie propre, le peuple breton s’est forgé une âme nationale, commune à tous les Bretons, différente de celle de tous les peuples qui l’entourent. Ces divers peuples, l’ancienne monarchie française a pu les grouper en une sorte de fédération, à laquelle servait de lien commun une idée, l’idée monarchique. La nature de ce lien était telle, qu’elle assurait à l’ensemble une cohésion, tout en permettant à chaque peuple associé de conserver sa vie nationale, donc de conserver intacte une âme nationale.

Et pour le bonheur de chaque individu, c’était bien là l’essentiel, ainsi que nous le montrent les événements survenus depuis. Les nouveaux dirigeants de 1789, après avoir détruit ce lien, qu’était pour la France la monarchie, comprirent qu’il fallait créer un nouveau lieu, sous peine de voir la France se dissocier. Ils tentèrent donc de créer une âme nationale entre tous les Français et une condition nécessaire de leur réussite était la destruction des âmes nationales des diverses provinces françaises.

Créer une âme nationale française, les événements ont montré que cette tentative a abouti à un échec retentissant, et le résultat de cette folle entreprise était à prévoir ; comment insuffler une âme commune à des éléments aussi disparates que ceux qui composaient la France, surtout quand on voulait y ajouter des éléments coloniaux encore plus disparates.

Mais ils ont réussi à détruire dans la plupart des cas les âmes nationales de la plupart des Français. Presque seule la Bretagne a pu résister, et encore a-t-elle été entamée sur ses frontières, qui ne protégeait pas la barrière linguistique.

Et ceux de nos compatriotes bretons, qui ont ainsi perdu leur âme nationale, n’ont pu en retrouver une autre, que la France et l’Empire français étaient incapables de leur donner. Sans le plus souvent s’en rendre compte, ils sont devenus des désaxés. C’est qu’ils ne pouvaient plus avoir de vie intérieure, car rien des institutions, des croyances, des usages, qu’on leur imposait, n’avait de retentissement dans leur esprit. Et alors seules les satisfactions matérielles gardaient un sens pour eux, car elles étaient les seules qu’ils puissent comprendre, et ils sombraient dans le matérialisme.

Pour le bonheur même des individus de notre race, il faut que cette entreprise de destruction de son âme nationale soit arrêtée, il faut ensuite développer cette âme nationale, ainsi que les qualités latentes du peuple breton.

Ce développement spirituel est le rôle principal de l’Etat, qui est l’organisme créé par celle-ci pour la guider vers sa destinée. Et l’Etat n’est pas un but en lui-même, mais un simple moyen utilisé par la Nation pour favoriser son développement, et il doit tout subordonner à l’accomplissement de cette mission, sans quoi son activité n’aurait aucun sens.

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Brezona, Aperçu Doctrinal, 1941

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