La Bretagne et la mer, une piste à explorer.

La Bretagne armoricaine, de par sa situation géographique extraordinaire, a incontestablement une vocation maritime. « A » ou plutôt devrait-on dire « devrait avoir », tant l’État français l’étouffe.

Une vocation maritime déterminée par la nature, mais aussi par les réalités géopolitiques.

Nous le disions, la Bretagne armoricaine a une situation géographique extraordinaire : 3 de ses 4 façades touchent la mer, et elle possède près de 3000km de côtes. Son nom même -« Armorique »- rappelle cette inclinaison : en celtique continental, « Armorique » signifie « le pays qui fait face à la mer ».

Quand la Bretagne était libre, elle comprenait bien sa vocation maritime. Au Moyen Âge, la Bretagne commerce avec tout l’Occident, du Portugal au Sud jusqu’à la Scandinavie au Nord (1). Plus tard, on connaît l’implication centrale de certaines villes bretonnes dans la découverte du Nouveau Monde, puis dans le commerce transatlantique au XVIIIe avec Nantes, Lorient, Brest, etc.

Doit-on rappeler, aussi, que la Bretagne est aujourd’hui à l’entrée du plus important couloir maritime du monde puisque 20% du trafic mondial y passe, et que ce trafic augmente encore de près de 10% par an (2).

De plus, la Bretagne possède le premier champ d’algues européen et le dixième plus grand du monde. Certains des pays les plus développés du monde, la Chine en tête, ont bien compris l’intérêt de la culture des algues dans les domaines de la nutrition, des cosmétiques, mais aussi des biocarburant (8).

L’économie de la mer en Bretagne.

Avec plus de 65.000 emplois sur le territoire de la Bretagne administrative, l’économie maritime représente aujourd’hui plus de 5% de l’emploi régional. Les domaines qui regroupent le plus d’emplois sont les activités de Défense nationale (30% des emplois), l’exploitation des produits de la mer à des fins alimentaires (25%) et la construction et la réparation navale (17% des emplois). Dans les autres domaines employeurs, citons aussi le transport maritime, l’exploitation des produits non alimentaires, la recherche maritime, mais aussi le tourisme (3).

En Loire-Atlantique, l’économie maritime est aussi très importante. Le grand port maritime Nantes Saint-Nazaire est encore aujourd’hui le 4e port national pour le trafic maritime (derrière Dunkerque, Le Havre et Marseille), et 1er port de la façade atlantique (4). Rappelons aussi que le département de la Loire-Atlantique est le premier pôle national dans le domaine de la construction navale.

La France, un « nain maritime ».

La France, depuis Louis XIV au moins, se conçoit comme un centre -Paris- et une périphérie, contenue dans un Hexagone dont les prétendues « frontières naturelles » constituent des frontières indépassables : les Alpes, les Pyrénées, et l’Océan. Christian Buchet, géo-politologue spécialiste de la mer, explique : « On a même perçu la mer comme un mur plus ou moins infranchissable au même titre que les Alpes et les Pyrénées » (5).

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2,2 millions conteneurs au Havre contre 40 millions entre Zeebruges et Hambourg, 1,2 million à Marseille contre 20 millions en Italie et en Espagne. La France, pourtant deuxième plus grand domaine maritime mondial, ne compte que deux des cent premiers ports mondiaux (Marseille et Le Havre). À titre d’exemple, le tonnage de Marseille ne représente que 17% de celui de Rotterdam (6).

Dans le domaine maritime, la France manque incontestablement d’ambition. Prenons , avec François Arbellot, l’exemple du réseau trans-européen de transport (RTE-T), programme européen qui vise à développer les échanges entre les pays européens. Tandis que l’Espagne a bien compris l’intérêt de dynamiser sa façade atlantique, la France ignore toute la partie ouest de son territoire pour ne favoriser que Paris, sa périphérie proche et la zone méditerranéenne alors que la Bretagne aurait une position centrale entre le monde ibérique et le monde celto-britannique.

La Bretagne, une nation maritime en devenir ?

Il est clair que la Bretagne pourrait devenir une nation maritime importante en Europe, encore faudrait-il qu’elle veuille s’en donner les moyens. Le budget 2020 de la région Bretagne s’élève à 1,68 milliard d’euros, budget à répartir entre plusieurs « missions » : aménagements du territoire, économie, formation, mobilités, transition écologique, rayonnement et vitalité culturelle, fonds européens, puis les autres dépenses (9), pour un PIB de 120 milliards d’euros. À titre de comparaison, le Pays de Galles (à peine plus de 3 millions d’habitants) dispose d’un budget dix fois supérieur à celui de la Bretagne administrative pour un PIB qui n’atteint que les deux tiers de celui de la Bretagne. Même en ajoutant le budget des départements bretons, on arrive à un budget deux fois et demi moins important que celui du Pays de Galles (10).

Aujourd’hui, le budget ridicule de la région Bretagne ne permet donc pas de mener une politique audacieuse dans le domaine maritime. Ne nous y trompons pas : si la France maintient la Bretagne dans un état de dépendance économique, c’est bien pour la maintenir dans un état de dépendance politique. Les Français intelligents ont bien compris que l’hyper-centralisation de la France nuit à son développement économique. Elle était même qualifiée récemment de « facteur clef de faiblesse » par un professeur des grandes écoles, Alain Renaud, dans Le Courrier des maires et des élus locaux (11). L’État français, lui, sait pertinemment que la décentralisation administrative fragiliserait l’unicité de l’Hexagone et le mythe de l’unité plurimillénaire de la France.

Pour la Bretagne, la question est simple : Veut-elle exister, et donc se tourner vers la mer pour des raisons évidentes de développement économique, et vers plus d’autonomie, ou bien continuer avec la France, et accepter son étouffement pour le maintien de l’unité française, coûte que coûte. À cette question, nous répondons sans hésiter : nous voulons vivre.

Notes

(1) James B. Collins, La Bretagne dans l’État royal, Classes sociales, États provinciaux et Ordre public de l’édit d’union à la révolte des Bonnets rouges, PUR, 2006, Chapitre I. L’économie bretonne aux xvie et xviie siècles. (https://books.openedition.org/pur/21222?lang=fr)

(2) https://www.nhu.bzh/bretagne-entree-premier-couloir-maritime-monde/

(3) Observatoire de l’Économie maritime en Bretagne, CCI Bretagne, septembre 2018 : https://www.bretagne.cci.fr/actualites/observatoire-de-l-economie-maritime-en-bretagne

(4) https://www.insee.fr/fr/statistiques/2866412#titre-bloc-12

(5) https://www.letelegramme.fr/bretagne/christian-buchet-la-mer-notre-atout-pour-une-nouvelle-renaissance-16-12-2017-11782281.php

(6) https://www.pourlabretagne.bzh/indispensable-relance-du-projet-maritime-breton/

(7) https://www.pourlabretagne.bzh/indispensable-relance-du-projet-maritime-breton/

(8) https://fr.euronews.com/2020/02/17/les-biocarburants-de-demain-seront-ils-a-base-d-algues

(9) https://www.bretagne.bzh/ressources/budget-finances/rapports-financiers-dactivites/

(10) https://www.nhu.bzh/le-ridicule-budget-de-la-region-bretagne-administrative/

(11) https://www.courrierdesmaires.fr/67227/la-france-est-le-pays-dune-seule-ville/

2 réflexions sur “La Bretagne et la mer, une piste à explorer.

  1. Lorsque l’on pense que le port de Brest pourrait être un des plus grands port de commerce européen (il est situé à proximité du plus grand couloir maritime) … si une des plus grandes partie ne se trouvait pas occupée par la marine nationale française ! Les navires passent donc leur route pour s’arrêter un peu plus loin, en Flandre ou ou Hollande.

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